De la pâquerette au lait

31
oct
2015

Les écoliers genevois à la Ferme des Grands-Bois.

Suite à la demande des enseignants de ses enfants, Nathalie Zeller de la Ferme des Grands-Bois à Vernier a commencé en 1992 ses visites à la ferme. En 1997, elle rejoint l’association de l’Ecole à la Ferme.

Depuis 4 ans, elle a élaboré un nouveau concept et développé la publicité, ce qui a engendré une nouvelle énergie et les visites se succèdent de mai à fin octobre. Pratiquement un travail à plein temps.

  • La boucle d’oreille, c’est pour faire joli ?
  • Pourquoi elle rumine ?
  • Comment est-ce qu’on prend le lait de la vache ? Est-ce que la traite fait mal ?
  • Pourquoi le lait qui sort de la mamelle est chaud ? Est-ce que la vache fait directement des briques de lait ?

C’est à ces questions et à beaucoup d’autres que Nathalie doit répondre  lorsqu’une classe débarque dans son domaine. Ce qu’elle aime par-dessus tout dans ces visites, c’est la spontanéité de ces enfants, leur curiosité et leurs questions posées en toute simplicité.

Voici sa narration sur le déroulement des visites.

A pied ou en bus les enfants arrivent. Beurk ! Ça pue trop ici!

C’est en se bouchant le nez que les divers bambins de crèches, de jardins d’enfants ou d’écoles publiques du canton de Genève débarquent dans notre ferme des Grands-Bois entre Vernier et Peney-Dessous.

Ils viennent tous avec beaucoup d’excitation.

Vive la nature !

Vive la liberté !

Toutes les visites à l’étable sont cadencées, structurées : donner des céréales, caresser les vaches, cajoler les veaux, écouter les explications sur l’ensemble de la vie des vaches, regarder, se poser et leur poser des questions pour éveiller leur curiosité. D’où vient le lait ? Grande question…. « Oups ! » un camion arrive dans la cour avec une grosse citerne à l’arrière. On se pousse. Ils observent et se posent des questions. C’est le camion des Laiteries Réunies qui vient chercher le lait dans notre tank tous les deux jours pour l’emmener dans cette fabrique où il est conditionné et transformé en divers produits laitiers (fromages, yogourts, crème, briques de lait) qu’on retrouve dans divers commerces.

La visite se termine par une dégustation de lait. Ils s’agitent dans tous les sens pour avoir un gobelet rempli de lait frais.

  • « On peut en avoir un ? »
  • « On peut en avoir encore ? »

Que c’est drôle de les regarder avec leurs moustaches de lait!

A l’heure du pique-nique, vous devriez les voir se jeter sur leur sac à dos pour en sortir des chips, des sandwiches, etc. Mes chats sont là, ils guettent le moindre bout de jambon ou chips et si l’enfant ne fait pas attention, ils viennent prendre dans les mains et s’en vont avec leur butin dans la haie. Cela met de l’ambiance et les enfants ont vite compris qu’il faut tout ranger dans leur sac, pas besoin de le leur rappeler.

Jouer dans notre pré est pour eux une source de gaieté ; on les voit heureux ! Ils y voient les chèvres, les poules et les lapins. Ils leur donnent du pain, de l’herbe et peuvent à tout loisir les caresser. Parfois, par grande chaleur, j’enclenche les jets d’eau. Les enfants mettent leur costume de bain et courent dessous. WOW ! Que cela rafraichit! Puis après le rafraichissement, le dur labeur de retrouver sa chaussette, sa culotte et le reste parmi les autres habits de leurs camarades. Un moment plein d’émotion.

De temps à autre, on va dans le bois voir les arbres, écouter les oiseaux, observer la bauge des sangliers, les arbres enduits de terre par ces derniers et leurs empreintes. Quand nous y allons, ils me posent très souvent la question : « Est-ce qu’il y a des loups ? » Ha, les dessins animés…

Si cela est prévu au programme de la journée, ils fabriquent du beurre. Magique ! Tout d’un coup, après avoir bien agité le bocal rempli de crème, il se forme une motte de beurre. Puis ils dégustent ce beurre sur du pain. Vous avez bien lu, que du pain et du beurre ! Ils mangent et en redemandent. Il y a 40 ans, nos grands-mères donnaient cela aussi comme goûter, mais elles y ajoutaient du sucre. Que de souvenirs, le sucre crissait sous nos dents et là quand les enfants mangent ce goûter, j’entends : mmh ! Qu’il est bon, qu’il est sacrément bon.

En fin d’après-midi, ils repartent dans leur foyer avec leurs multiples découvertes et des images plein la tête.

Je rencontre parfois l’un ou l’autre dans les magasins et j’entends : « Salut Nathalie » ! Eux me reconnaissent, moi pas toujours. « Tu es venu à la ferme ? » La maman est étonnée que l’enfant m’appelle par mon prénom. L’enfant raconte et là, l’enthousiasme fait éruption.

Que tous ces souvenirs, ces sensations, ce bonheur et cette gaieté restent gravés dans leur mémoire afin que, dans l’avenir, nous puissions mieux nous comprendre. Il y a une dizaine d’années, lorsque je me remettais en question sur la nécessité de poursuivre mon activité, car je n’avais pas trop d’affluence à cette époque, une élève avait conclu en me regardant: « Je suis contente d’être venue à la ferme pour voir que les vaches ne font pas directement des briques de lait ». Belle imagination ! Je restai bouche bée, cela n’a fait qu’un tour dans mes pensées. Je vais continuer à me développer pour transmettre notre savoir et pour sensibiliser ces futurs consommateurs, car tant qu’il n’y a pas de choses concrètes, les humains ne se rendent pas compte du travail, de la persévérance, des efforts et sur les sacrifices consentis pour notre grande passion… Traire nos vaches deux fois par jour, 365 jours sur 365 jours. Ils ne sont pas naïfs, après la visite ils comprennent que le travail à la ferme avec les animaux, est un travail de tous les jours de la semaine avec beaucoup de soins et d’attention.

Nathalie Zeller